17/02/15 Eucalyptus for ever ! (9700km)

Francisco, fils de Macia

Après avoir récupéré une bonne quantité de mangues, avocats, grenades dans le jardin de Macia, nous reprenons notre route en remontant notre ami le fleuve Jequitinhonha. Les journées sont horriblement chaudes et nous faisons plusieurs fois l'erreur de nous laisser tenter par 2,5 litres de Coca ou autre qui, bus en 15minutes top chrono, nous laissent le bide en vrac pendant un bon moment...



La recherche d'un endroit pour dormir doit commencer tôt parce qu'ici comme dans la plupart des régions du Brésil, tout est barbelé, c'est le paradis de la propriété privée. On a beau nous expliquer que c'est parce que toutes les terres ont été vendues à bas prix afin de peupler l'intérieur du pays, ça ne nous facilite pas la tâche. Etape 1 : trouver l'unique fazenda qui possède les 10km de champs, étape 2 : demander si l'on peut camper. La réponse la plus courante est : désolés mais les proprios ne sont pas là, nous ne sommes que les employés. En effet, la plupart du temps les personnes qui vivent en campagne ne sont pas les propriétaires des terres, ces derniers, habitant bien souvent en ville. Maria Angela qui nous accueillera à Belo Horizonte nous racontera même que la fazenda de ses parents étant tellement grande, de toute sa vie elle n'aura jamais été jusqu'au bout de la propriété !
Maylis montrant l'album photo

Il nous arrive quand même de demander à planter dans des fazendas et de tomber directement sur les propriétaires. Nous plantons dans la cour et participons à la vie familiale pendant une soirée. Parfois, c'est également l'occasion de faire une projection même si nos hôtes, après une bonne journée à cheval, n'ont pas toujours une grande motivation pour pédaler !

Antonio



Un soir, alors que nous galérons depuis bien deux heures pour trouver un petit coin pour planter notre tente, nous finissons par bifurquer dans une fazenda à la nuit tombante. Une fois de plus, seuls les employés vivent ici mais nous sommes tellement fatiguées que nous leur demandons directement s'ils peuvent appeler le proprio. Positif, nous nous installons au milieu d'un champ de vaches (mauvaise stratégie : les vaches n'ont pas un sommeil très profond et passeront la nuit à converser à côté de la tente !). Nous sommes invitées à dîner en famille : riz, viande et les célèbres haricots (dits de Minas Gerais mais en fait toutes les régions en font leur spécialité...). Nous montrons ensuite des photos de France et d'Argentine à Maria et ses deux filles alors qu'Antonio, le mari, est parti pour rentrer les vaches, il ne sera pas de retour avant 22h. Le matin quand nous nous réveillons, Antonio est déjà parti traire, 600 litres de lait l'attendent ce qui l'occupe de 3h à 9h du matin. Nous avons juste le temps de le croiser alors que nous partons.

















Avec Maria
Une fois par semaine environ, nous nous payons le luxe de dormir dans un petit hôtel pour nous reposer et prendre le temps de skyper les parents. Mais depuis le Maroc, nous avons pris l'habitude de négocier les prix. Au Brésil, notre prix de référence est 30 Réals pour les deux (10 euros). A Virgem da Lapa, endroit où nous quittons notre cher Jequitinhonha, nous passons la nuit dans l'auberge de Maria. L'auberge est située juste à côté d'une "église évangéliste". Rien à voir avec une église comme on l'entend en France. Sur la porte, l'indication "salon de beauté pour elle et lui" a eu du mal à être effacé, sur le pas de la porte, le pasteur attend les fidèles qui, bien habillés, viendront s'asseoir sur les rangées de chaises en plastique et chanter en chœur toute la soirée. Après le culte, Maria qui doit avoir un peu pitié de nous, nous demande si on a mangé quelques chose. Le matin, elle nous invite à prendre le petit dèj (on commence un peu à regretter d'avoir négocié les prix...) et au moment de partir elle ne veut plus rien nous faire payer du tout, "c'est Dieu qui me récompensera"...





Nous retrouvons la piste pour une quarantaine de kilomètres. 10km de montée dans un mélange de sable et de pierres. Heureusement il n'y a pas trop de trafic, juste les camions d'eucalyptus pour nous tenir compagnie. Plusieurs fois dans la journée, nous sommes obligées de marcher en poussant les vélos impossibles à diriger dans le sable. Mais arrivées en haut, la vue vaut le coup ! Nous campons sur la place du village après avoir été prendre une douche chez une voisine.





Les jours suivants, nous pédalons sur la crête au milieu des forêts d'eucalyptus avec comme seul point de repère les stations service étant donné que nous ne croiserons aucun village pendant près de 160km. Nous mangeons dans les stations service, nous dormons dans les stations service, nous nous abritons de la pluie dans les stations service qui deviennent notre 2ème maison.

Eucalyptus land


Diamantina



Après 18km de montée sous une pluie battante, trempées jusqu'aux os, le panneau Diamantina 5km nous démoralise : nous qui pensions être arrivées ! Nous débarquons grelotantes dans l'hôpital où des gendarmes sympas nous prêtent leur ordinateur pour envoyer un message à Rodrigo, notre couch-surfer qui ne répond pas. Tout est bien qui finit bien, nous débarquons dans la "républica" (colocation) de Rodrigo. Le lendemain, malgré la pluie qui n'a pas l'air décidée à s'arrêter, nous allons faire un tour en ville accompagnées de Rodrigo et de l'un de ses colocs comme guides touristiques attitrés. Diamantina, comme son nom le suggère, est très connue pour son activité minière principalement or et diamants.





La ville a tout d'une ville coloniale : maisons blanches avec des bordures de couleurs vives. La ville était autrefois un des plus grands lieux de trafic d'esclaves au Brésil (au même titre que les exploitations de canne à sucre). Travaillant dans les mines ou dans la construction, beaucoup y ont laissé leur peau. Ils ont donné leur nom au chemin en pierre de 25km qui relie Diamantina à une des mines : le chemin des esclaves. Diamantina est également le début de l'estrada réal, la route de l'or qui reliait les plus grandes villes minières à une ville portuaire située dans l'état de Rio d'où les bateaux partaient ensuite en direction du Portugal. La fin de l'esclavage au Brésil ne date que de
1888.


Nous faisons le tour des musées (tous gratuits !) et découvrons les techniques de ramassage de pépites d'or : les chercheurs allaient même jusqu'à détourner des rivières entières pour pouvoir passer leurs lits au peigne fin !

Xica da Silva





Nous faisons également la connaissance de la maison de Xica da Silva, une esclave noire ayant obtenu sa liberté pour avoir eu la chance d'être l'amante du plus grand commerçant d'or de la région. On raconte des histoires horribles sur cette femme qui est devenue une vraie princesse pourrie gâtée. Elle avait à elle seule une bonne quantité d'esclaves. Son amant lui avait fait construire maisons, églises et cédant à ses caprices, il avait fait creuser un étang pour y construire un bateau où Xica pouvait inviter ses amies pour une séance de navigation !

Malheureusement la pluie ne cesse pas et la ville, construite sur le flanc d'une montagne, devient un véritable réseau de torrents. Nous restons donc à la maison à discuter avec Rodrigo, lui même adepte des voyages à vélo.

Avec Rodrigo et un coloc





Le lendemain, nous préparons toutes les affaires en attendant que la pluie se calme.  A 14h, nous finissons par nous décider à partir. Trempées en un quart d'heure, nous regrettons un peu notre choix. Mais on nous avait promis une super descente ! Nous pédalons 10, 20, 30, 40, 50 km et toujours pas l'ombre d'une descente qui se mérite, au lieu de cela, des interminables montées descentes qui nous flinguent les mollets. Le moral baisse mais heureusement la pluie finit par s'arrêter. 3 fois de suite, nous demandons à camper et l'on nous envoie dans le champ du voisin. Super, et on fait comment avec les barbelés ?!

Marco





Heureusement, encore une fois, nous sommes sauvées par une famille sympa. Nous passerons donc la soirée avec Marco et Rosangela qui ont quitté la folie de la ville de Rio deux ans auparavant pour venir s'installer en pleine campagne. Ils commencent donc à apprendre à cultiver et à élever vaches et poules, changement de vie radical !
Nous passons la soirée à montrer des photos de voyage. Les deux sont très intéressés et posent plein de questions. "Une fois, on m'a proposé d'aller travailler en France" nous dit Marco " mais qu'est ce que j'aurais été faire en France, bon dieu ! Y'a la télé là bas ?"
En échange de nos photos, Marco nous montre un reportage très intéressant sur la pêche au harpon dans la baie de Rio. A 22h, nous baillons donc devant une série de gros poissons se faisant empaler à 1 mètre de distance, vive l'échange culturel !


Le matin, les deux ne veulent plus nous laisser partir. Ils insistent pour nous montrer leurs vaches en croisant les doigts pour que la pluie vienne. Mais la pluie ne vient pas et il est l'heure pour nous de continuer, de nombreuses montées et descentes nous attendent jusqu'à Curvelo. Une fois arrivées en ville, nous essayons de négocier les prix d'une auberge mais c'est un échec total. Il nous reste peu de temps pour sortir de la ville et trouver un endroit pour dormir. En sortie de ville, nous croisons 3 cyclistes qui essaient de nous convaincre que le meilleur endroit pour camper est la station service du centre ville où travaille l'un d'entre eux. Sans trop avoir le choix, nous finissons par nous laisser tenter et finissons par planter la tente entre deux camions. En partant, les cyclistes nous informent "on vous a payé le resto". Euh, merci !

Avec Laerte et Cristiana
Au fur et à mesure que nous approchons de Sete Lagoas et Belo Horizonte, le trafic devient de plus en plus dense et la route se transforme en deux fois deux voies où défilent les camions. Heureusement la bande latérale est large. Après une centaine de kilomètres, nous arrivons à Sete Lagoas avec un sérieux mal de crâne. Nous sommes reçues par Laerte et Cristiana de Warm Showers, inscrits depuis 5 ans sur le site mais nous sommes les premières cyclistes à passer ! Les deux sont emballés par notre voyage et notre projet. Maylis parle également du voyage en vélo en famille d'il y a 10 ans. Leurs yeux pétillent et ils vont se coucher avec la conviction d'avoir des enfants pour pouvoir faire des voyages à vélo avec eux !

Arrivée à Belo Horizonte




Encore une journée de vélo pas très palpitante à côté de nos amis camionneurs. Au détour d'un virage, nous apercevons enfin Belo Horizonte, ville immense entourée de collines. Après plusieurs heures d'entrée de ville, nous arrivons chez Maria Angela et Elcio, les parents de Guilherme, un cycliste de Belo Horizonte parti étudier les politiques cyclables européennes à Paris. En guise de bienvenue, Maria Angela descend les escaliers, ouvre grand les bras en criant "Lucia, Maylis, mes filles, bienvenue à la maison !" Nous sommes reçues comme des reines d'autant que toute la famille et tout le groupe cycliste de la ville sont au courant de notre arrivée.

Carnaval à vélo





Le lendemain, après un tour en ville, nous répondrons aux questions d'une journaliste de O Tempo, LE grand journal de Minas Gerais qui nous consacre une page entière du journal du dimanche, la classe ! Nous allons également faire un tour au "carnaval à vélo" qu'organise l'asso cycliste. Ce sont environ 400 cyclistes déguisés qui se retrouvent pour défiler dans la ville, impressionnant !



Et puis nous laissons les vélos pour aller faire un tour à Rio de Janeiro en bus. A cause du Carnaval, la ville est sans dessus dessous. Du monde partout, plus ou moins déguisé, à prendre des bières dans la rue en suivant un groupe de musique monté sur un camion. Les transports en commun sont bondés et nous passons des heures à attendre des bus qui ne viennent pas.

Avec Agathe




Nous retrouvons Agathe, une amie de l'INSA partie pour une année d'échange à Rio et qui n'a pas trop envie de rentrer ! Elle a pourtant un peu de mal à nous faire partager son amour de la ville... Nous qui étions venues pour visiter, nous n'avons pas choisi le bon moment. Nous voulions monter au Christ à pied mais le copain brésilien d'Agathe nous met en garde : "Si vous montez à pied, après deux heures de marche, vous serez obligées de prendre un bus pour redescendre de l'autre côté pour acheter le ticket d'entrée au point de vue. Afin d'empêcher les gens de monter à pied, ils ne vendent les tickets qu'en bas du côté où c'est interdit de monter à pied". Génial !
Montagnes "deux frères"





Tous les musées sont fermés et il est difficile de trouver un endroit pour acheter à manger. Même l'eau est payante et affreusement chère. Tout un commerce fonctionne autour de l'eau, vendeurs d'eau fraîche à tous les 10 mètres. Le seul endroit où l'on peut trouver de l'eau gratuite, c'est dans la chasse d'eau des toilettes du carnaval... Mais comment font ceux qui n'ont pas assez d'argent pour se payer une bouteille de 500ml à 5 réals ??
Et de l'autre côté, ce sont souvent les mêmes vendeurs d'eau qui dorment sur la plage faute d'un autre endroit pour dormir...

Plage de Copacabana

Malgré tout, on ne va pas faire les rabat-joie, Rio reste une ville magnifique construite entre des "morros", montagnes qui peuvent atteindre 800 mètres d'altitude. Belle combinaison entre plage et montagne.





Enfin, à côté de cela, nous décidons d'aller vers le Sambodromo, lieu des fameux défilés du carnaval pour voir si l'on peut trouver une entrée pas trop chère. En effet, nous avions prévu d'acheter les entrées sur internet jusqu'au moment où l'on s'est rendu compte que les prix n'étaient pas en réals mais en dollars américains ! Un vrai business, sur internet, les prix les moins chers sont d'environ 80 dollars et les organisateurs sont des filous : tu cliques pour acheter le billet en serrant les fesses et bim, ils te rajoutent une taxe de 41% pour payer sur internet ! Nous avons abandonné à ce stade là en nous disant que nous chercherions sur place.



Défilé au Sambodromo

Et nous avons bien fait ! La ville de Rio a mis en place des "billets populaires" pour permettre aux habitants de Rio d'assister aux défilés, mais les habitants sont des filous aussi : ils préfèrent acheter une centaine de places pour les revendre aux touristes !
Toujours est il que nous avons acheté un billet 10 fois moins cher que sur internet !








Le jour J, nous nous présentons au Sambodromo 3h avant que les défilés commencent pour avoir une bonne place (inutile, tout le monde arrive au dernier moment) et là, il commence à pleuvoir des cordes. Peu après nous, arrive une famille de Russes qui a une tête à avoir payé le billet à 150 dollars (ils tirent une de ces tronches que l'on n'a pas trop de doutes !) En 30 minutes, nous sommes trempées jusqu'aux os et il reste 2h30 à attendre. Vu le prix des billets, ils auraient au moins pu couvrir... Pour rassurer nos Russes, certains payent jusqu'à 500 dollars pour avoir une meilleure place ... et se font tout autant tremper !

Mais le défilé vaut la peine, les costumes sont splendides et les chars magnifiques. Chaque école de samba défile l'une après l'autre sur les 750 mètres du Sambodromo. Chaque école dispose d'une heure et demi pour son défilé. Chacune choisit un thème et une chanson que tout le monde répètera en boucle pendant son passage. Ce sont quelques 40 000 personnes qui défileront devant les 72 500 spectateurs jusqu'à 4h du matin. Nous partirons à 1h30 pour aller nous sécher et terminer la nuit dans la gare routière en attendant le bus qui nous ramènera à Belo Horizonte.

Le soir en rentrant, nous repartons en ville pour une projection du cin'énergie. Le public est peu nombreux (tout le monde étant au carnaval) mais très intéressé.

Petit déjeuner avec nos parents de Belo Horizonte

Nous profitons d'une dernière journée de repos avant de reprendre les vélos direction le Paraguay, si nos parents de Belo Horizonte nous laissent partir !