De l'autre côté du fleuve Sénégal 11/11/14 (6300km)
traversée du fleuve Sénégal |
Dès notre arrivée côté Sénégal, un policier chope nos passeports et nous fait poireauter. Nous ne le lâchons pas des yeux jusqu’à ce qu’il daigne nous accompagner au poste de douane. Là, il convoque Maylis pendant que Lucia surveille les vélos. “Ça fera 10 000 FCFA par personne”. Gloups, début du marchandage… Nous lui expliquons que l’on a bien regardé sur le site internet, que l’on a pris le soin de faire nos visas à l’ambassade de Nouakchott, rien à faire, c’est la règle, il faut payer. Il finit par céder quand on lui explique que l’on vient de se taper 6000km à vélo pour arriver dans son pays : “c’est bon, je suis avec vous, on va vous faire le tampon”. A côté de nous, les deux autres Français ont payé en Mauritanie et au Sénégal… Ils nous expliquent qu’ils avaient tenté de passer en voiture quelques années auparavant et qu’ils avaient été obligés de l’abandonner à la frontière face aux sommes astronomiques demandées par la police. En effet, une belle file de voitures immatriculées en France attendent patiemment que quelqu’un vienne les récupérer. Vive le vélo !
Nous quittons le plus vite possible cette frontière alors qu’un autre gars essaye de racquetter Lucia sous prétexte qu’il lui a ouvert la porte.
Les premiers tours de roue au Sénégal sont plus plaisants, malgré le vent de face. Nous retrouvons avec plaisir la verdure des rizières, au rythme des percussionnistes qui jouent pour faire fuir les oiseaux.
Nos premiers hôtes sénégalais |
Nous passons la nuit en famille et plantons la tente au milieu de la concession. Nous regardons la télévision sénégalaise avec notre hôte et tombons en admiration face au défilé du plus beau mouton du Sénégal. Ne sachant trop que voter, nous nous reportons au vote du jury qui proclame mister mouton du Sénégal 2014 un beau mâle de 137kg ! La classe !
Fils de Baye |
Nous arrivons ensuite à St Louis, ancienne capitale de l’AOF construite sur deux îles. Nous y restons deux nuits. L’ambiance et le climat y sont très agréables malgré les attrapes touristes qui sont toujours là pour “t’aider”. Nous tombons par hasard sur d’impressionnantes courses de pirogues de toutes les couleurs. Une cinquantaine d’hommes pagaient comme des fous furieux pour remonter le fleuve Sénégal, très impressionnant mais pas d’une grande efficacité : on va plus vite en marchant !
Les pirogues de St Louis |
De passage à St Louis, nous tentons de nous approcher du parc national de la Langue de Barbarie en vélo. Echec, nous tombons bien vite sur une immense plage de sable. Mieux vaut accéder au parc en pirogue, même si nous voyons tout de même plein d’oiseaux et un varan du coin d’environ 1m20.
Course de pirogues |
Avec Demba le cycliste |
A la sortie de St Louis, nous nous faisons escorter sur une vingtaine de kilomètres par Demba, jeune cycliste du club de St Louis rentrant de son entrainement quotidien. Maillot, cuissard, casquette, le look suprême ! Il nous raconte qu’il travaille depuis l’âge de 14 ans comme tailleur au centre ville car l’école ne lui laissait pas le temps de faire du vélo comme il voulait. Il s’entraîne pour un jour participer à des compétitions internationales comme deux de ses camarades participant actuellement au tour du Cameroun, et peut être un jour, aller rouler en Europe. Il est fan du Tour de France et nous énumère ses coureurs favoris !
La chaleur humide se fait vite sentir et nous mangeons plusieurs pastèques par jour ! Il y a des stands tous les deux kilomètres et le kilo de pastèque ne coûte même pas 8 centimes d’euro ! Nous carburons également aux petits sachets d’eau purifiée bien fraîche que l’on trouve partout, une alternative à notre eau à 40 degrés vite devenue imbuvable.
traversée de zébus |
Les oiseaux chantent de partout et nous apercevons nos premiers baobabs. Autre interrogation sur la route : qui est cet homme vêtu de blanc dont la peinture est partout sur les murs des maisons, sur les taxis, les bus, etc… ? Nous apprenons qu’il s’agit du marabout Amadou Bamba dont la secte est très active au Sénégal (à priori tous les chauffeurs de taxis en font partie !). La pratique de l’islam change de celle de la Mauritanie et les petits talibés (disciples des marabouts) mendient partout dans les rues avec leur boîte de conserve.
Quand même, il faut le dire, nous avons beaucoup souffert entre St Louis et Louga (environs70 km), pas pour la chaleur ni pour le vent de face, mais bien pour des gens très agressifs. Nous étions habituées à ce que les enfants nous courent après en nous criant “donne moi un stylo, donne moi un stylo” au Maroc et en Mauritanie, mais là au Sénégal, on passe à une vitesse supérieure. Tout d’abord, que l’on soit française ou argentine, on est Toubab (blanc) et il faut savoir que le toubab est très très riche (même un toubab à vélo avec des habits tout sales et une tête hyper fatiguée). C’est pourquoi, on ne nous demande plus “donne moi un stylo”, mais on nous poursuit en courant en nous disant “donne moi de l’argent” ou encore “donne moi ton vélo !”. Mais si seulement ça n’était que les enfants : cela arrive même que des adultes sautent de leur mobylette en nous demandant de l’argent. Si bien que cela devient un peu flippant… Cette nuit là, nous n’osons pas demander à planter la tente en famille et préférons terminer dans une auberge où nous plantons la tente sur le lit double pour se protéger des moustiques !
Heureusement, les jours suivants tout se passe beaucoup mieux, plus de manifestations hystériques à notre passage et nous pouvons saluer les gens normalement. Comme quoi, c’est aussi à nous de faire attention à l’image que nous voulons donner et souffrons un peu du stéréotype du blanc qui vient distribuer du matériel scolaire et des T-shirts sans se soucier du déséquilibre que cela crée dans l’économie locale ni la dépendance envers la population. Ibrahima à Nouakchott nous disait la même chose car sa pompe à pédale subissait mal la concurrence des motos pompes installées par des associations européennes, poussant les villages à la passivité. Dans le même registre, faute de réponse, nous passons sans nous arrêter à Thies où une usine rachète certains déchets plastiques à des femmes pour le recycler et en faire du matériel scolaire, comme quoi, des solutions plus durables peuvent être trouvées localement.
projection en famille |
chef du village à droite |
Les 70km entre Thiès et Dakar n’ont pas grand intérêt. La circulation est très dense et on passe notre temps à zigzaguer entre les voitures. Au final, en bus, on n’irait pas bien plus vite… Dur dur de se dire que nous allons devoir pédaler tout ça de nouveau !
Et nous voilà donc à Dakar, à l’extrême ouest du continent africain chez Evgenia, une russe que nous avons rencontrée sur Couch surfing et qui nous accueille gentiment dans sa famille pour ces quelques jours. Nous recevons également un paquet venu tout droit de France, concocté par la maman Mercat et confié à un ami qui faisait justement Chambéry-Dakar ces jours ci. Nous savourons donc notre Noël à nous avec du chocolat Lindt et un bon maté pour Lucia !
Aux abords de Dakar |
Derniers tours de roue sur le continent 23/11/14 (6800km)
Famille d'Evgenia |
Nous avons passé 3 jours bien sympathiques à Dakar dans la famille de Evgenia avec qui nous avons
partagé poisson fumé (grande spécialité de Sergei, son mari) et sorties à la plage.
Pour nous rendre à Dakar, nous prenons les transports en commun car le trafic est vraiment dense et personne ne fait attention aux deux roues. Nous devenons donc des habituées de la ligne 3, nous négocions les prix devant le regard éberlué des guicheteurs qui ne doivent pas voir tous les jours des toubabs dans le bus ! S'ensuivent 45 min debout écrasées entre les autres. Folklo mais toujours sympa.
Dakar est une ville nouvelle qui a vu sa population exploser en une génération. La moitié des immeubles sont donc en construction et la voiture est reine du centre ville. Les trottoirs étant inexistants, le piéton doit s'imposer dans la circulation. Aux abords du marché, il est difficile de se promener sans se faire poursuivre par les attrapes touristes parfois très très coriaces !
île de Gorée |
A Dakar, nous sommes également invitées à la première projection de Cinécyclo, projet relativement similaire au notre puisqu'il s'agit d'un cinéma itinérant. Leur but : réaliser un tour du Sénégal à vélo en s'arrêtant de villages en villages pour faire des séances de cinéma. Leur mode de production d'électricité ressemble beaucoup au nôtre et a été fabriqué directement à Dakar. Bravo à eux !
Dans les rues de Gorée |
Et puis est venu le moment de repartir. Nous connaissons déjà la route : 40km de trafic intense pour ressortir de la péninsule sur laquelle est construite la capitale. Un cycliste nous dépasse, nous le croisons quelques kilomètres plus loin en train de marcher sur le bas côté. Nous nous arrêtons donc pour l'aider à réparer son vélo et faisons la connaissance d'Idrissou, d'origine Ghanéenne. Il nous demande "Can I join you ? ", est ce que je peux vous accompagner ? Et bien oui, pourquoi pas ! En pédalant à nos côtés, il nous raconte son histoire. Né musulman, à la mort de ses deux parents alors qu'il avait à peine 15 ans, on lui apprend que celui qu'il croyait être son père n'était autre que son beau père : la famille de sa mère musulmane a refusé le mariage de sa mère à son père biologique, de religion catholique. Sa mère, déjà enceinte a donc dû se marier rapidement à un musulman. A la mort des deux, la belle famille laisse le soin à Idrissou de retrouver son véritable père et l'abandonne sur le trottoir de l'école. Idrissou retrouve son père, au chômage et père d'une belle ribambelle d'enfants. Idrissou se convertit au christianisme et décide d'aller tenter sa chance ailleurs. Il entame donc le long voyage vers l'Europe. Depuis 5 ans qu'il est parti du Ghana, il n'a jamais dormi dans une maison et les seuls contacts qu'il a avec sa famille sont les appels intéressés de son père pour lui soutirer de l'argent.
Calao au bec noir |
Avec nos amis Idrissou, Dominique et Jean-Charles |
Venu le moment du dessert, do you want an ice cream ? Ice cream ???
Rugby woman |
Equipe de rugby de Nianing |
Étant donné que Dominique et Jean-Charles travaillent en lien avec la mécanique, ils décident de prendre Idrissou (mécanicien au Ghana) sous leur aile en lui faisant visiter tous les garages du coin dès lundi.
Nous repartons donc à deux, le cœur serré par leur accueil si chaleureux.
Sur la route de Kaolack |
Nous continuons notre route vers Kaolack. A partir de Fatick, l'état du goudron se dégrade sérieusement et la route devient un véritable gruyère, tant et si bien qu'au final plus personne ne roule sur la route. Seuls les camions continuent à zigzaguer entre les trous profonds parfois de 50 centimètres. Certains, un peu moins chanceux, restent bloqués au milieu d'un trou et attendent patiemment de se faire dépanner. A vélo, nous sommes moins embêtées et allons même plus vite que la plupart des camions.
Pain de singe |
Maïmouna |
La femme nous explique que l'homme à qui nous avons demandé l'hospitalité n'est que l'homonyme de son mari. La veille, Dominique et Jean-Charles nous avaient expliqué cette étrange tradition qui est d'adopter un enfant du même âge que son fils ou sa fille à la naissance de ce(tte) dernier(e) et de lui donner le même nom. Quand ils grandiront, le premier ira à l'école tandis que le deuxième restera pour ranger la chambre, quand le fils véritable se mariera, l'autre suivra. L'homonyme du mari était donc surpris qu'on lui demande à lui l'hospitalité.
Camping dans une concession |
Pré-projection |
Dans la famille, nous organisons une projection le soir. Tout le village est présent dont une bonne trentaine d'enfants. Encore une fois, Kirikou plaît beaucoup. Après la projection, nous faisons partie de la famille et mangeons avec eux. Ici encore, les fruits et légumes sont rares. On nous explique que la seule source de revenus stable sont les poules : chaque enfant a un poussin, quand le poussin devient poulet, ils le vendent au marché et l'argent sert à habiller l'enfant. Pour manger, la famille cultive du mil, du maïs et autres céréales sur sa parcelle.
Equipe de choc de Nébéday |
Groupement de femmes presseuses |
Nous réaliserons le montage du film lors de la traversée de l'atlantique, inch'allah !
Sur la route de Toubacouta |
Nous dormons dans une famille juste après la frontière, projection le soir, très sympa.
Et je termine vite parce que notre bateau part dans un quart d'heure ! Nous sommes arrivées à Ziguinchor hier soir et avons retrouvé les 10 bateaux des Voiles du Partage qui nous attendaient ! Démontage des vélos ce matin et courses pour un moment !
Nous passerons une semaine dans des villages du delta de la Casamance pour ensuite faire route vers Fortaleza ! Donc rendez vous dans un mois !!!