06/04/15 Les dernières lignes droites (12450 km)

Pour vous faire vivre nos derniers tours de roues, retournons au Paraguay où nous vous avions laissés...

Comme nous l'avions évoqué dans notre dernier article, le Paraguay est pour nous un changement radical : Après 3 mois passés au Brésil, tout n'est que calme et tranquillité. Les routes sont beaucoup moins chargées de camions, les gens ont l'habitude de s'asseoir au bord de la route pour discuter à l'ombre en sirotant un térêré, les jardins sont ouverts et nous n'avons aucune difficulté à trouver un endroit pour dormir.

Colonel Oviedo



Les familles nous ouvrent leurs portes et les rencontres s'enchainent. En arrivant à Curuguaty, nous lorgnons sur l'immense terrains militaire à l'entrée de la ville. Sans trop de difficultés, on nous trouve une chambre et nous logeons pour la première fois chez les militaires. Le Colonel Oviedo s'invite à manger avec nous. Nous partageons nos pâtes en parlant des révoltes du nord du Paraguay. Le colonel nous explique qu'il est entré dans l'armée à l'âge de 14 ans !

Eri et Emilia
Un soir, nous plantons la tente dans la famille Gabilan. Après avoir discuté deux bonnes heures avec les enfants, nous organisons une projection de photos suivie des triplettes de Belleville. Les enfants nous parlent du pèlerinage annuel que beaucoup de Paraguayens font jusqu'à l'église de Caacupé, près de la capitale. La fille aînée l'avait fait l'année précédente : 150km de marche à pied en un jour et demi, plus de 30h de marche presque sans pause !

Leonarda
Le Paraguay est le pays des libertés : sur la route nous croisons des gamins de 10 ans au volant de leur moto sans casque ! La moto est un moyen de déplacement familial, il n'est pas rare d'y voir papa, maman et les trois enfants !




Cuisine de Leonarda
Au fur et à mesure de notre avancée vers l'ouest, le pays change peu à peu. La région est couverte de champs de soja. La plupart des terres ont été achetées par des Brésiliens qui exportent ensuite les récoltes dans leur propre pays. De ce fait, tout le monde parle portugais ! Les prix de l'ouest n'ont également rien à voir avec ceux de l'est : le kilo de pain passe de 16 000 à 8 000 guaranis en 500km.



Sur le bord de la route, nous croisons de nombreux animaux (morts ou vifs !) : des tapirs, des tatous dont la carapace sert à la fabrication des charangos mais aussi une quantité impressionnante de serpents. Maylis croise même un boa de diamètre supérieur à une bouteille plastique d'un litre ! Pas rassurant pour le camping sauvage !





Tournage à Takuara Renda
Du côté de Paraguari, nous allons à la rencontre de l'association Takuara Renda (http://www.takuararenda.org/) spécialisée dans le travail du bambou. Vous nous direz : mais quel est le rapport avec l'énergie ? Au Paraguay, le bambou est très abondant et constitue une matière première très peu couteuse en énergie capable de substituer le bois ou la pierre; le gros avantage du bambou étant sa rapidité de croissance. L'architecture en bambou permet également une très bonne aération des maisons afin de limiter les coûts en ventilateurs et air conditionné. L'association organise des stages d'apprentissage aux techniques de construction en bambou (architecture et mobilier). Takuara Renda travaille souvent avec les communautés d'Indiens Guaranis. Des volontaires viennent également apprendre gratuitement les techniques de Takuara Renda en échange de leur travail.

Equipe de Takuara
Maria Cristina, mère de Sylvia
Le Paraguay est le seul pays au monde où l'intégralité de la population parle la langue des peuples originaires, ce qui en fait un pays bilingue un peu particulier.

Nous continuons ensuite notre route vers Asuncion. Par chance, Sylvia nous accueille le jour même dans sa maison qu'elle partage avec ses parents et ses six sœurs ! Petite journée de pause et visite d'Asuncion, une des plus veilles villes d'Amérique du sud.

Avec Sylvia

Le lendemain, nous nous dirigeons vers le bac pour traverser le fleuve Paraguay parce qu'une fois de plus, le pont est interdit aux vélos. La frontière est nettement plus contrôlée que celle avec le Brésil et Maylis ne regrette pas d'avoir perdu une journée pour obtenir son fameux tampon. Par contre, le douanier veut faire payer à Lucia une amande de 250 000 guaranis (50 euros) parce qu'elle n'a aucune preuve de son entrée au Paraguay. Lucia insiste, explique que personne ne lui a rien demandé à son arrivée et prend le douanier à part "écoute, je n'ai pas d'argent et puis j'ai adoré le Paraguay, je veux revenir et je n'ai pas envie de rester sur un mauvais souvenir". Le douanier répond "bon, on va faire les choses simplement, tu vois le bateau là ? Et bien tu prends ta carte d'identité et tu te casses dans ton pays, ok ?" Convaincante la petite, non ?
Et nous voilà sur le ferry, larmes d'émotions pour Lucia qui retourne dans sa patrie après un an et demi d'exil.

Formosa


Nous découvrons avec plaisir que le fleuve Paraguay est l'exacte démarcation entre les montées descentes et le plat parfait. Plus une seule montée avant Tucuman, quel délice !

Feu de brousse
Le nord est de l'Argentine est aussi une région de grandes étendues sans rien. Nous n'avions pas vraiment prévu le coup, mangeons l'intégralité de nos réserves de nourriture et sommes bien contentes d'arriver à Formosa le lendemain.

Étant donné la sécheresse des dernières semaines. une grande partie des champs brûlent et il nous est parfois difficile de respirer. Ces incendies, le plus souvent volontaires (soit disant pour éliminer les mauvaises herbes) sont une véritable plaie et se propagent très vite avec le vent.






Par chance le soir, nous trouvons à camper dans une ferme où nous dormons un peu plus tranquilles : se faire brûler pendant la nuit nous tentait moyennement. Nous en profitons pour faire une projection sur le mur du hangar. Première séance de cinéma pour les enfants des employés qui sont ravis :-)




Le matin, nous discutons avec le propriétaire qui nous explique que sa propriété s'étale sur 10km le long de la route et 15km de profondeur. Nous lui demandons s'il a des vaches, "oui, environ 4000 !". Le plus impressionnant c'est que ce ne sont pas des terres héritées de ses parents mais des terres achetées il y a quelques décennies. Certaines régions de l'Argentine sont encore très très peu chères...

Comptez les vaches !
Maylis va bien dormir !
Si les premiers jours en Argentine sont assez tranquilles grâce au vent dans le dos, nous avons un peu moins de chance pour les suivants : pluie diluvienne et vent de face pendant 3 jours. Pas de quoi nous arrêter pour autant. Nous essayons cependant de dormir au sec le plus souvent possible.

Nous alternons école, maison de retraite et nuit en famille. Toujours intéressant de confronter les opinions. Mais quand Enrique et Cepriana nous parlent de la dictature militaire comme d'une époque sûre, on a le droit de pas être d'accord. Ce qui n'empêche pas de passer une soirée sympa.
Avec Enrique et Cepriana


Rapace attendant tranquillement sa proie



Étant donné qu'il n'y a pas de route directe pour Tucuman, nous sommes obligées de zigzaguer en évitant le plus possible les grosses routes.

Après la province de Formosa, nous entrons en Chaco où nous retrouvons les immensités de champs de soja et de maïs. Monsanto est omniprésent et l'écosystème bouleversé : les pesticides envoyés par avion et la transformation des forêts en culture ont dû perturber le développement des serpents et renards. Toujours est-il que dans la région, les colombes pullulent et détruisent les récoltes. Sur le bord des routes, leur densité est impressionnante et ce sont des nuages ailés qui s'envolent à notre passage. Il y en a bien quelques unes qui meurent écrasées, au grand plaisir des charognards mais rien n'empêche le développement de la race.

Maïs


Olga et son tricycle
Vers 18h un soir, nous commençons à chercher un endroit pour dormir lorsque le pneu arrière de Maylis explose juste devant une ferme. Une chance parce qu'il n'y en a pas une tous les dix kilomètres. Tout de suite, la famille nous invite à planter la tente dans leur garage sous les yeux intrigués des enfants. Maylis rassemble ensuite tout son savoir faire de couturière et entreprend de coudre le pneu histoire de pouvoir rejoindre la prochaine ville à 12km le lendemain pendant que Lucia s'attelle à réparer le pneu arrière du tricycle de la grand mère.


Avec la famille Scromeda














Sanctuaire au Gauchito Gil
Chaque soirée en famille nous permet d'en apprendre plus sur la région mais c'est également une bonne occasion pour faire voyager nos hôtes. Ni la grand mère, ni la mère, ni les enfants ne sont sortis de la province de Chaco et nous bombardent de questions : "en France, les chiens, ils sont pareil ?, et les balais ? et ici, vous payez en euros ou en pesos ? " Silvina, la fille, met un bon bout de temps pour repérer son village sur la carte de l'Argentine et demande à sa mère de lui en offrir une pour son prochain anniversaire.

Coton
Après Chaco, nous arrivons dans la province de Santiago del estero. Quelques champs de coton mais surtout des centaines de kilomètres d'épineux.




Comme nous commençons à approcher de Tucuman, la famille de Lucia nous trouve souvent des contacts pour passer la nuit. Nous rendons donc visite à un oncle éloigné qui nous installe gentiment dans une chambre de son hôtel à Quimili.

Avec Ivana à la Banda





Nous appuyons fort sur les pédales pour avancer malgré le vent de face et enchainons les longues journées de vélo. De toutes manières, les villages sont rares et les forêts d'épineux peu accueillantes.

A la Banda, nous logeons une fois de plus dans un hôtel d'amis d'amis. La fatigue commence à se faire sentir, plus qu'une grosse journée de vélo et nous arrivons la nuit tombante à la frontière avec la province de Tucuman.


Pendant la journée, Maylis réalise son premier sauvetage de tortue, la pauvre petite était recroquevillée dans sa carapace au milieu de la route. Si elle n'a pas fait une crise cardiaque, elle nous remerciera !

Le matin, au petit déjeuner, les parents de Lucia débarquent par surprise. Rodo nous accompagne à vélo pendant 30km mais il avance tellement vite que nous avons du mal à le suivre. C'est ensuite au tour de Graciela, la mère de Lucia de nous accompagner jusqu'à notre arrivée. Nous retrouvons également Victor et Léa, un couple d'amis de Chambéry en voyage à vélo depuis septembre.















Toute la famille de Lucia et ses amis sont là pour nous accueillir sur la plaza Independencia. Arrivée en escorte par la Gaceta, le journal local et les gendarmes en moto (n'ont ils pas mieux à faire). Embrassades avec les sœurs en pleurs et 10 000 photos. La mamie dit à Maylis : "ah ! Toi ! Je ne sais toujours pas comment prononcer ton prénom, mais je suis quand même contente de te revoir !"


La famille avait bien travaillé et la maison est entièrement décorée. Les festivités continuent : empanadas, tortas de dulce de leche, etc...

Déballage, lavage, rangement pendant le weekend . Asado le dimanche midi, nous remettons les pendules à l'heure argentine :-)

Lundi matin, nous disons au revoir à Victor et Léa qui continuent leur route en l'Argentine. Bizarre bizarre, on n'a pas l'habitude d'être ceux qui restent !