14/01/15 Le Nordeste ou la descente vers le sud en montant (8100km)

L'année 2015 a déjà bien commencé pour nous aussi puisque nous venons d'entrer à Salvador !

Nous passons le réveillon dans le petit village d'Ema où nous avons été invitées en famille. A 18h, nous organisons une projection dans la rue. Grand succès ! Petits et grands apprécient beaucoup les photos du voyage et les enfants font la queue pour pédaler. Le film d'animation brésilien "L'enfant et le monde" que nous avions prévu de projeter fait moins de fans. Peut être un peu trop "lent" à démarrer. Nous ne pouvons néanmoins que le conseiller.
Tous les membres de la famille passent ensuite 2 bonnes heures à se maquiller et à s'habiller et ... finissent par partir sans nous à la ville pour voir les feux d'artifice. Incompréhension totale. La grand mère restée là nous regarde : "mais vous ne pensiez tout de même pas y aller comme ça ?" Alors que nous étions déjà vêtues de nos plus beaux habits, tout le monde a pensé que nous n'étions pas intéressées. La mamie rappelle son fils pour qu'il vienne nous chercher, "mettez au moins du parfum !" En vain. Tout de même, en arrivant sur la place du village, c'est vrai qu'on fait un peu tâche... Tout le monde s'est rassemblé pour regarder les feux d'artifice. Nous rentrons pas trop tard et terminons la nuit bercées par nos hamacs.


Le matin, nous reprenons la route en toute tranquillité, pas grand monde le 1er janvier. Magnifiques paysages comme si nous étions sur un plateau d'altitude assez sec. Lucia s'imagine que nous sommes déjà dans les montagnes de Tucuman.
La route se transforme en chemin. Nous alternons pierres et sable. Notre moyenne plonge dangereusement en dessous des 10 km/h.
Antimoustique bio
Subitement, à la frontière avec l'état du Rio grande do Norte, la route réapparaît. En une vingtaine de kilomètres nous passons du plateau désertique à une ville de plus de 50 000 habitants sortie de nulle part. Nous galérons un peu à trouver une pousada (hôtel pas cher), un motard s'arrête. "En tant que cycliste, je me dois de vous aider". Il nous guide à travers la ville pour trouver un logement pas cher. Le soir, il nous invite ensuite à manger en compagnie de sa femme, également très fière d'être cycliste. Nous allons ensuite tous les 4 prendre une glace avec l'intégralité de leur groupe de cyclisme. Mille photos avec tout le monde.
Le lendemain, passage obligé chez nos amis pour le petit dèj, d'autant qu'elle vient de prendre un jour de congé pour pouvoir nous voir partir ! Drôle de moment, mais une chose est sûre, au Brésil tu es cycliste ou tu ne l'es pas !


Sur certains tronçons, la route est malheureusement plus grosse que l'on ne le pensait. Parfois nous sommes obligées de nous jeter dans le fossé au dernier moment sous le klaxon furieux d'un camionneur. Une chose est sûre, il ne freinera pas- Les croix s'alignent au bord de la route, un vrai cimetière.

Dans la journée, un journaliste nous accoste et prend plein de photos de nos têtes fatiguées. Le lendemain, nous sommes dans le journal local.

Depuis que nous sommes parties de Fortaleza, les montées et descentes n'arrêtent pas et nous nous demandons un peu quand cela va s'arrêter. Bien souvent, nous roulons 5h par jour pour faire 50km. Et pourtant, selon nos hôtes, c'est plat ! Cette réponse "vous verrez, c'est plat" nous énerve un peu à postériori, mais on se demande quand même ce que c'est que la montée au Brésil... jusqu'au jour où l'on nous prévient "vous verrez, par ici, ça monte...". On se dit, bon, on passe déjà notre temps à monter, ça ne peut pas être bien pire... mais si !
Le plat
La montée
Nous la voyons venir de loin, LA montée : une montagne et une route toute droite qui passe par dessus. Et l'on découvre enfin ce qu'est la montée au Brésil : la montée c'est quand un conducteur doit faire le plein en bas et en haut, la montée c'est quand on est obligées de descendre du vélo pour pousser, la montée c'est quand il y a une croix à chaque virage, la montée c'est quand le compteur descend inexorablement en dessous de 2, la montée c'est quand même les mouches trouvent que l'on ne va pas assez vite, la montée c'est quand on grimpe de 400 mètres en 2km, la montée c'est quand le cœur frise les 150 battements par minutes, la montée c'est quand on doit s'arrêter tous les 20 mètres pour reprendre sont souffle, bref la montée... c'est dur !



Francisca et son mari



Heureusement, les familles brésiliennes qui nous accueillent presque tous les soirs nous aident à garder le sourire. Nous pouvons citer la famille de Francisca chez qui nous nous arrêtons une journée. Francisca est une grand mère très attachante vivant avec son mari dans une grande fazenda (ferme), ils y élèvent poules et vaches dont on boit le lait tous les matins (10 litres par vache et par jour !) Pour les fêtes, leurs enfants sont venus de Brasilia avec leur famille. Projection improvisée le soir. Les brésiliens sont tellement curieux !


Yolanda et son mari








Nous pouvons également parler de la famille qui le lendemain, nous a gentiment prêté sa maison en construction. ou encore de la famille de Raimundo vivant encore une fois dans une fazenda. Leur fils est fan de l'équipe de foot argentine. De nouveau, nous projetons des photos du voyage avec le cin'énergie ainsi que notre vidéo de présentation du projet traduite en portugais. Les réactions sont très emphatiques, surtout quand nous montrons des photos de vaches et de moutons français à des fermiers ! Le soir, nous sommes la plupart du temps invitées à manger les incontournables haricots rouges, riz et spaghettis à volonté.

Dans la famille de Raimundo


Une journée, en fin d'après midi, alors que nous sortons de 15km de piste (3h de galère), nous sommes intriguées par un énorme drapeau des Etats-Unis qui trône dans le jardin d'une fazenda. Nous décidons de tenter notre chance en demandant à camper. "Pas besoin de tente, il pleut, vous dormirez à l'intérieur". Nous faisons la connaissance de Nena qui après avoir vécu aux Etats-Unis, est rentrée au pays et vit désormais dans la campagne profonde de l'état du Pernambuco avec son 3ème mari, un petit jeunot fort sympathique. Tout cela pour s'occuper de sa mère qui a 91 ans, ou plutôt qui a 86 ans depuis 6 ans à en croire ce qu'elle dit ! Un attachant petit bout de mamie qui passe son temps à chanter dans sa tête en se rappelant du temps où elle dansait encore. Dans la maison sont également de passage Ethel, la nièce une jolie Brésilienne bien habillée et bien maquillée qui nous raconte avec passion ses stages de médecine sur un bateau dans l'amazonie bolivienne ; sans oublier Cobi, le petit fils américain de 7ans. Un vrai blondinet aux yeux bleu venu passer ses vacances chez la grand mère pour apprendre le portugais. Nous passons une super soirée avec cette joyeuse troupe atypique. Au matin, les adieux sont déchirants avec la mamie qui apparemment s'est bien attachée à Maylis !

Dans la fazenda américaine


Et puis les options de petites routes se font plus rares et nous sommes obligées de nous orienter vers les nationales. En regardant la carte, jusqu'à Salvador, nous n'avons pas bien le choix, ce sera route nationale. Reste à savoir si nous prenons la BR-110 ou la BR-116, un peu plus à l'ouest. Étant donné que Lucia refuse catégoriquement de faire un kilomètre de piste de plus, nous optons pour la BR-116. Nous sommes obligées de prendre une autre route nationale pour y accéder.

Les fazenda se font plus rares, pourtant, tous les champs sont grillagés ce qui rend difficile le camping sauvage. Un soir, coincées par la nuit qui tombe à 18h, nous trouvons refuge dans une station service. Le gardien de nuit nous installe dans "le salon des camionneurs". Nous sommes réveillées par la télévision brésilienne qui annonce un attentat à Paris. A moitié endormies, nous ne comprenons pas grand chose, on en saura plus demain.

A 6h, nous sommes de nouveau sur le vélo en route vers Salgueiro, la grosse ville du coin. On se demande un peu si on a fait le bon choix d'itinéraire : toute la zone est reconnue pour ses braquages fréquents : plus d'un par semaine. Étant donné que nous sommes le 8 janvier et qu'il n'y en a pas eu depuis décembre, on flippe un peu ! D'autant que les cibles préférées des braqueurs sont les motards, les bus et les camions blindés de banque. A vélo nous sommes donc encore plus faciles à arrêter !

Mais bon, selon la télévision brésilienne, ici n'est pas pire que Paris ! Les images de l'attentat sont diffusées en boucle.

Le matin, petit tour vers la gare routière pour voir si on ne peut pas s'avancer un peu. Échec, presque tous les bus vont vers la capitale de l'état, Recife. Nous repartons donc à vélo pas très rassurées.
Guerra (Guerre), La paix sur la route.
Nous ne serons pas braquées mais ce sont les camions qui nous feront le plus peur. Le trafic est intense et les camionneurs sont un vrai danger public. En arrivant dans l'état de Bahia, la bande latérale de sécurité voit sa largeur se réduire de moitié et c'est le calvaire qui commence : Les camions nous frôlent à 110 km/h, même les voitures ne ralentissent pas d'un poil, c'est à croire que tous ont oublié où se trouvait leur pédale de frein ! Aucun respect des règles de circulation, les camions doublent n'importe comment et quand un camion double un camion qui nous double alors qu'une voiture vient en face, en vélo, tu t'écrases, c'est le cas de le dire ! Combien de fois sommes nous obligées de nous arrêter de peur que leur souffle ne nous envoie valdinguer dans le fossé. Nous passons donc notre temps à rouler sur des débris de verre et des animaux morts pour ne pas nous même terminer en charogne sur la bande latérale. Nous serrons donc les fesses à chaque camion en espérant que la bande s'élargisse et en sursautant à chaque coup de klaxon.
Pour ne pas choquer les âmes sensibles, nous ne publierons aucune photo de cet épisode.



60km plus loin. la bande est toujours identique et nos fesses décidément bien crispées.
Nous décidons de tenter du stop pour sortir de cette mauvaise passe. Par chance, notre ennemi de la route numéro 1 nous sauve.
Nous embarquons dans le premier camion, avec Varrey et sa femme Bell l'accompagnant pendant ses vacances. Les deux ramènent le camion vide des légumes de Minas Gerais déchargés à Fortaleza. Un voyage de retour de 3 jours. En cours de route, Varrey est appelé pour charger des oranges dans l'état du Sergipe, au sud de Recife, nous convenons donc d'un point de chute. Après quelques frayeurs (les camionneurs brésiliens ne sont décidément pas les rois de la prudence), nous déchargeons vélos et bagages.

Grâce à ce petit saut de puce, nous sommes désormais à 3 jours de vélo de Salvador sur une route plus tranquille.
Le paysage, lui, a bien changé. Nous avons quitté les épineux de la BR-116
Foret d'eucalyptus
(Nous le répétons: cyclistes, évitez la BR-116 entre Salgueiro et Feira de Santana, c'est du suicide, préférez la BR-110, plus tranquille et avec une bande plus large) pour une région beaucoup plus agricole. Nous retrouvons les manges et noix de cajou (et des tas d'autres fruits que nous n'avons pas encore appris à reconnaître) que nous voyions en quittant Fortaleza, mais avec un degré de maturité en moins. Nous découvrons également les immenses forêts d'eucalyptus servant à la fabrication du papier, la plupart destiné à l'export.

Noix de cajou


Ici aussi, nous sommes invitées en famille. Toujours de bon moments.



A l'approche de Salvador, le paysage se transforme en forêt luxuriante. Une grande partie a été rachetée par Petrobras qui y creuse de nombreux puits de pétrole. Dur dur de trouver à dormir dans la zone et nous sommes obligées de terminer dans une pousada.

Ce matin, alors que nous faisions une pause, un cycliste passe devant nous. On s'étonne, ça fait un moment que l'on n'en voit pas passer. Il revient sur ses pas et s'arrête. Nous faisons la connaissance d'Olivio, un retraité fan de vélo depuis son plus jeune âge. Il nous raconte que tous les week-ends, il part à une heure du matin, fait 200km et revient chez lui sur les coups de minuit ! Il nous invite chez lui et nous le suivons jusqu'à Salvador. Une bonne aubaine, on se demande bien comment on aurait fait pour entrer dans la 3ème plus grande ville brésilienne sans son aide.



Magnifique descente sur la baie de tous les saints. C'est donc avec une chance inouïe que nous logeons donc maintenant chez lui avec la plage comme jardin !