Traversée de la frontière en pointillés 15/10/14 (4300 km)

Que de changements depuis notre dernier post à Essaouira !

A notre départ, une épaisse brume enveloppe la ville mais cela fait quand même plaisir de remonter en selle. Quelques kilomètres plus loin, nous rencontrons des arbres d'une nature très étrange : des arbres à chèvres ! N'ayant pas grand chose à manger au sol, ces dernières préfèrent bien souvent escalader aux arbres pour brouter les feuilles parfois jusqu'à trois ou quatre mètres de hauteur ! Nous continuerons à voir ces mêmes arbres pendant quelques jours.

Sur la route, nous rencontrons encore plus d'activité que la semaine dernière : des moutons de toutes part, même sur les ânes et les mobylettes. Tout le monde achève les préparatifs pour la fête de l'Aid.

Le jour même de la fête, calme plat jusqu'à 9h, étrange de ne croiser personne dans les rues. La moitié de la population de moutons de l'intégralité du monde musulman pousse son dernier soupir. Une minute de silence. A onze heure, on commence à sentir la fumée des méchouis. Certains sortent avec des charrettes pleines de peaux de moutons, les têtes sont grillées en ligne sur le trottoir.

Le soir, nous sommes invitées dans une famille qui nous sert des brochettes et des tripes. Là encore, personne ne parle français et nous passons la soirée à jouer avec une petite fille de deux ans très mignonne. On se rend compte que ses parents ont en fait notre âge et sont mariés depuis 3 ans, chose courante dans la région.

La veille, nous avions également été invitées dans une famille. Au début, la femme de la famille n'est pas rassurée et pour la première fois, on nous demande de planter la tente dans le jardin. Une de ses filles est très curieuse : elle nous aide à planter la tente, nous lui montrons l'album photo que nous avons emporté. Quand Lucia commence à jouer de la guitare, la moitié de la famille nous rejoint. La nuit tombe et nous hésitons à sortir le cin'énergie. Alors que nous installons tout le dispositif, tout le monde s'interroge et se demande ce que l'on fait mais dès que le projecteur s'allume, c'est l'euphorie générale ! Toutes la famille pédale à tour de rôle. L'unique problème est que nous manquons de vidéos en arabe marocain. Nous constituerons par la suite un dossier de films muets. Nous projetons donc de la musique, des photos familiales au grand plaisir de tous.

Après la séance de cinéma, on nous oblige à démonter la tente et à nous installer à l'intérieur. On nous apporte ensuite des papiers de famille. Nous finissons par comprendre qu'ils nous demandent notre aide pour la pension de la grand mère dont le défunt mari travaillait dans l'armée française. La liste de papiers à fournir est longue comme un bras mais nous finissons par élucider le problème : la grand mère s'est mariée après la retraite militaire du mari et n'a donc pas le droit à la pension : dur dur de faire comprendre ça à la famille qui ne parle pas français, n'a pas de boite aux lettres et essaye de se dépatouiller avec les papiers depuis 30 ans…
 
Les abords d'Agadir sont un peu moins propices pour planter la tente. On galère vraiment pour trouver un coin sur la côte entre les résidences, les camping 4*, les villas, la plage trop visible d'un côté et les falaises de l'autre. A la tombée de la nuit, on finit par demander à planter à côté d'un couple de retraités français venus passer l'hiver en camping car au Maroc.


Nous passons vite à Agadir car de toutes manières tout est fermé à cause de l'Aid et nous dirigeons vers Tiznit puis Sidi Ifni, petite ville portuaire. Pour cela, il nous faut traverser la fin de la chaîne de l'Atlas. Nous enchainons montées et descentes pendant plusieurs jours avec des paysages fabuleux.

Guelmim est la dernière ville avant que les distances entre les villages ne se rallongent. A partir de maintenant, nous ne croiserons de villages que tous les 50 à 100 kilomètres, nous partons donc systématiquement avec une bonne dizaine de litres d'eau. Ici, l'eau courante est très souvent coupée et tous les habitants se doivent d'être attentifs pour remplir de grands bidons quand l'eau revient.

Le paysage n'est pas exactement comme nous l'imaginions : même si nous croisons quelques dunes ça et là, nous passons des heures à pédaler à travers des champs d'épineux éparses, peuplés de dromadaires. Par contre, l'avantage c'est que c'est bien plat et le vent est souvent de dos, ce qui nous permet d'atteindre des moyennes de 25km/h (pas toute la journée non plus !) et de faire une bonne centaine de kilomètres par jour.

M'borek



Nous passons notre première nuit en compagnie de M'borek, gardien de nuit d'un terrain de l'entreprise Cegelec. Nous jouons aux dames et rigolons bien malgré la barrière de la langue. Le soir, nous l' invitons lui et son ami à manger. Erreur fatale : nous cuisinons du couscous. Manque de chance, le nouveau couscous que nous avons acheté est un désastre, une insulte au couscous marocain. Même les petits légumes que nous avons cuisinés à la poêle ne semblent pas les convaincre. M'borek jette tout aux chiens et même eux n'en veulent pas. La prochaine fois, on fera du riz !







Avec Med à Tan Tan

A Tan tan, nous passons deux nuits chez Med, couch-surfer originaire du nord du Maroc venu travailler en tant que professeur dans la région. Ayant vécu de nombreuses années en Espagne, Med a du mal à s'adapter au traditionalisme du sud marocain. Deux soirées sympas à discuter en espagnol.




















La nuit suivante, nous nous arrêtons dans un campement de pêcheurs et passons la soirée avec Bahi. Magnifique rencontre qui nous ouvre les yeux sur beaucoup de choses : tout d'abord, Bahi nous raconte que toute sa famille vit à Tindouf en Algérie où sont réfugiés les Sahraouis partisans du Polisario depuis déjà plus de 30 ans. En effet, tout le sahara occidental était occupé par les Espagnols jusqu'aux années 70. Les Marocains ont ensuite organisé une "marche verte" pour de sahraouis auraient bien aimé en profiter pour obtenir l'indépendance de leur pays. D'où l'existence de l'unique frontière en pointillés sur la carte du monde. Ce conflit n'est pas facile à résla récupération du sahara occidental. Mais tout le monde n'était pas d'accord, beaucoup umer mais par chance, Bahi a étudié pendant de longues années à Cuba (pays qui aide les réfugiés de Tindouf en scolarisant beaucoup d'enfants à Cuba), ce qui facilite la communication. Bahi a ensuite quitté Tindouf pour devenir pêcheur sur la côte. Le soir, nous organisons même une projection sur la toile de sa tente !
Autre spécificité du sahara occidental ce sont ses policiers : nous passons au moins une heure par jour dans des barrages de police (environ tous les 40km). Jamais méchants, les policiers aiment noter toutes les informations de nos passeports et savoir exactement où l'on dort. Ils vont même jusqu'à appeler nos contacts pour leur demander leur numéro d'identité. Le soir, ils n'hésitent pas à faire plusieurs dizaines de kilomètres pour venir voir si nous sommes bien installées, et tout ça "pour notre sécurité" !

Et nous voilà déjà à Laayoune, dans le petit appartement vide de Bahi dont un de ses amis nous a prêté les clés, invité à boire le thé avec tous les Sahraouis de la ville ! Projection ce soir dans un centre socio sportif auprès des jeunes footballeurs du coin !